L’impression 3D (ou fabrication additive, j’utiliserai les deux termes) est un domaine qui s’est fortement développé ces dernières années. Les machines pour imprimer du plastique se sont démocratisées et de nombreux amateurs possèdent même des machines à domicile. L’impression 3D métal, même si elle est en plein essor d’un point de vue industriel, reste tout de même plus confidentielle. Je vous propose de passer en revue les différentes utilisations qu’on retrouve aujourd’hui dans le monde du vélo.
L’impression 3D métal
Il existe différentes technologies d’impression 3D métal, la plus répandue et développée est celle qu’on appelle en français fusion sur lit de poudre. En anglais, on retrouve plusieurs noms, notamment SLM pour Selective Laser Melting, LBM pour Laser Beam Melting ou encore DMLS pour Direct Melting Laser Sintering. Toutes ces appellations pour une seule et même technologie.
Il est possible de mettre en œuvre de nombreux matériaux, notamment les aciers et les alliages d’aluminium et de titane.
Quels avantages ?
- de la liberté dans la conception : on peut quasiment fabriquer ce que l’on veut, avec les formes que l’on souhaite contrairement à d’autres modes de fabrication notamment l’usinage taillé masse. Cela peut notamment permettre d’alléger les pièces et/ou de grouper plusieurs pièces en une seule.
- ne pas avoir d’outillage : contrairement à d’autres procédés, on peut produire différentes pièces en même temps qui ont des formes différentes.
- la réactivité : en lien avec le point suivant, le temps entre la conception et la fabrication peut être relativement faible
Comment ça marche ?
Le principe est relativement simple :
- on découpe le fichier 3D de la pièce que l’on souhaite fabriquer en très fines tranches (entre 30 et 100 microns d’épaisseur)
- on insère un plateau dans la machine
- la machine étale la poudre sur le plateau
- un laser vient fusionner la poudre sur toute la zone de la pièce, en s’appuyant sur les données du fichier 3D découpé
- le plateau descend
- la machine étale à nouveau la poudre sur le plateau
- le laser vient fusionner à nouveau la poudre, pour faire la deuxième couche
- l’opération est répétée sur l’ensemble de la hauteur de la pièce. Au total, ce sont plusieurs milliers de couches qui sont fusionnées, en fonction évidemment de la hauteur de la pièce et de l’épaisseur de couche choisie
A la fin de la production, la pièce est fusionnée au plateau et la machine est remplie de poudre inutilisée. Il faut donc :
- Enlever la poudre en l’aspirant et en s’assurant qu’il n’en reste pas dans la pièce (parfois complexe)
- Découper la pièce du plateau. Parfois un traitement thermique est nécessaire avant cette opération pour limiter les déformations.
La pièce en l’état n’est pas utilisable. Il faut maintenant :
- Retirer les supports qui ont été créés pour rendre possible la fabrication de la pièce et améliorer son état de surface
- Réaliser éventuellement des traitements thermiques pour améliorer les caractéristiques mécaniques des matériaux
- Si besoin l’usiner, la polir, réaliser un traitement de surface, etc.
Cette vidéo résume bien une partie de ce que je vous ai décrit :
Pourquoi cette technologie n’est-elle pas plus répandue ?
Pour deux raisons principales :
- la difficulté et la lourdeur à la mettre en œuvre : on est très loin de la petite machine d’impression plastique qu’on peut poser sur un coin de son bureau. La production d’une pièce en 3D métal est un savant mélange entre haute technologie et artisanat. Il y a un véritable savoir-faire à acquérir pour réussir à produire une pièce bonne avec une machine, mais aussi pour réussir à la transformer en pièce utilisable et conforme aux exigences. S’ajoute à ça la manipulation de la poudre qui nécessite énormément de précaution pour la santé et la sécurité de toutes personnes.
- le prix : les machines sont très chères (plusieurs centaines de milliers d’euros) et leur productivité est relativement faible pour l’instant. Il faut parfois plusieurs jours pour produire une pièce et le coût qui en résulte est donc plutôt élevé.
Les industries qui utilisent cette technologie sont celles pour laquelle cette dernière leur apporte une réelle valeur ajoutée. La F1, l’aérospatial et le médical sont trois industries qui savent aujourd’hui l’exploiter.
Evidemment, le savoir-faire se développe, les machines s’améliorent et l’impression 3D métal va donc se déployer à plus grande échelle dans les années à venir, et dans d’autres domaines comme celui du cycle.
L’impression 3D métal et le monde du vélo
L’impression 3D métal est apparue il y a quelques années dans le monde du vélo. En dehors de l’aspect prototypage qui ne m’intéresse pas spécialement dans cet article, la fabrication additive métal reste relativement confidentielle et est aujourd’hui plutôt tirée par des petites structures et des fabricants de vélo d’exception.
Quel intérêt pour le milieu du vélo ?
- la flexibilité : aujourd’hui la majorité des fabricants de vélo qui utilisent l’impression 3D métal le font pour du sur mesure. En effet, on a vu précédemment que ce procédé permettait de fabriquer des pièces totalement différentes et sans outillage. On peut donc fabriquer des pièces 100% adaptées à un vélo et à un utilisateur. Pour fabriquer un cadre par exemple, ou des périphériques.
- la performance : le procédé permet de produire des formes qu’il était impossible de produire jusqu’à présent. On peut donc imaginer l’utiliser pour gagner en rigidité ou en légèreté sur certaines pièces.
- le retour au métal et la relocalisation de la production : certains fabricants de cycle l’ont annoncé (Moustache et Commencal par exemple), ils ne souhaitent plus produire des cadres en carbone. Pas éthique, pas recyclable et pas local, le vent tourne et le 100% carbone ne fait plus l’unanimité, même s’il a d’énormes avantages. La crise du Covid met également en avant d’énormes difficultés d’approvisionnement liées à la délocalisation en Asie d’une énorme partie de la production.
- le style : l’impression 3D métal offre comme on l’a dit précédemment une énorme liberté dans la conception des pièces et dans leur post-traitement. C’est un élément différenciant indéniable et certains l’ont bien compris.
Evidemment, le prix reste le frein numéro un pour l’utilisation de ces procédés. Les machines et les pièces sont chères, raison pour laquelle son développement n’est pas exponentiel dans ce milieu.
Que trouve-t-on dans le commerce ?
Je passe en revue tous les produits que j’ai pu lister au cours de mes recherches. Certains sont des cadres ou des vélos complets, d’autres des équipements ou accessoires.
CeramicSpeed
La marque danoise réputée pour ses roulements céramiques, ses chapes de dérailleurs et autres accessoires hors de prix qui vous permettent de grapiller quelques précieux watts et surtout de briller pendant votre sortie du dimanche matin utilise l’impression 3D métal pour un de ses produits.
Elle a en effet développé de magnifiques galets en titane. Ils sont selon le fabricant plus durables que des pièces en aluminium grâce aux caractéristiques mécaniques du titane, mais aussi plus légers grâce à un design optimisé pour l’impression 3D.
1600€ la chape avec les deux galets en titane. C’est cher mais c’est magnifique.
https://www.ceramicspeed.com/en/cycling
Bastion Cycles
Vous avez probablement déjà vu des photos de vélo de cette jeune entreprise australienne. Ils fabriquent des vélos de route en titane et carbone sur mesure, en poussant la personnalisation à fond. L’impression 3D métal fait partie intégrante de leur philosophie et 100% des vélos qu’ils produisent intègre des pièces obtenues par ce procédé. Ils indiquent d’ailleurs sur leur site web qu’ils possèdent 2 machines en interne pour créer leurs propres pièces.
Ils utilisent la technologie pour fabriquer en titane les différents nœuds des cadres et les adaptent à la morphologie du client. Depuis quelques mois, ils ont poussé le développement du sur-mesure encore plus loin et proposent désormais en plus du cadre la tige de selle, des morceaux de fourche, la potence et le cintre qui permettent notamment une intégration parfaite des câbles et durites. Ils poussent la personnalisation à fond également en proposant du polissage, de la peinture et des petites touches à l’effigie de l’heureux possesseur du vélo.
C’est relativement ostentatoire mais c’est beau.
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Ils partagent beaucoup de photos sur Instagram, je vous laisse y jeter un œil car il y a de magnifiques montages. C’est évidemment du très haut de gamme, je n’ai pas le détail des prix mais le ticket d’entrée doit être aux alentours de 10000€.
https://www.bastioncycles.com/
Sturdy Cycles
Tom Sturdy fabrique des vélos dans la même veine que Bastion, c’est à dire 100% sur mesure. Il propose 3 cadres différents : un vélo de route, un vélo de route typé confort voire gravel et un VTT. La différence avec Bastion est qu’il fabrique des vélos 100% titane. C’est assez personnel mais c’est une solution qui me plait plus que la solution titane/carbone du fabriquant australien.
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Initialement, il fabriquait lui aussi les nœuds du cadre, qu’il reliait avec des tubes « traditionnels » en titane, ainsi que la fourche. Il propose aujourd’hui de plus en plus de périphériques en impression 3D : cintres, potences, pédaliers, tiges de selle, etc.
Il laisse habituellement la finition brute du titane, ce qui donne un look particulier aux vélos, mais propose aussi de sublimes anodisations.
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https://www.sturdycycles.co.uk/
Firefly
Firefly est une entreprise américaine qui produit de superbes vélos en titane sur mesure. Ils utilisent l’impression 3D pour fabriquer leurs chapes arrière. Leur objectif : ne pas utiliser de tube sur cette zone pour maximiser la largeur admissible de pneus tout en maintenant une longueur de base arrière réduite.
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Ils utilisent également la technologie pour produire des pattes arrière, légères, rigides et qui s’adaptent aux différentes configurations du sur-mesure.
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https://fireflybicycles.com/
Moots
Le célèbre fabricant américain de vélos haut de gamme en titane. Moots utilise également la fabrication additive métal pour produire les pattes arrière. Leur objectif initial était d’obtenir une parfaite intégration de l’étrier de frein en montage flat-mount avec un positionnement parfait entre l’axe de la roue et l’étrier de frein. Ils ont réussi à obtenir avec ça une pièce légère, rigide et permettant une intégration du câble Di2, le cas échéant. Cette pièce est montée sur plusieurs de leurs vélos, route et gravel. C’est sobre et bien intégré, on ne s’en rendrait presque pas compte !
Si vous souhaitez en savoir davantage sur le développement de leurs pattes arrière en impression 3D, c’est par ici.
https://moots.com/
Huhn
On parle beaucoup (trop ?) de vélos de route et de gravel mais qu’en est-il du VTT ? Huhn est un (très) petit fabricant de VTT. Le fondateur a l’air de très bien connaitre la fabrication additive et propose deux cadres, un semi-rigide et un tout suspendu, en acier ou en titane. Dans les deux cas et les deux cadres, il utilise de nombreuses pièces obtenues par impression 3D métal. Le résultat est plutôt joli !
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Avant ça et bien avant le développement de la fabrication additive dans le monde du cycle, Huhn avait produit un prototype avec des pièces très travaillées. Spécial mais ça fait son effet.
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https://huhncycles.com/
Silca
L’accessoiriste Silca s’est lui aussi mis à l’impression 3D et propose des supports de GPS réalisés en titane. On aime ou pas le design mais ça a le mérite d’exister !
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Plus atypique, Silca propose également des outils obtenus par fabrication additive ! Un fouet, une clé à cassette et un maillet, le tout en titane. De cette façon, ils revendiquent des outils légers et durables.
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https://silca.cc/
Ratio Technology
C’est un système que les adeptes du gravel connaissent sans doute. En effet, il permet de transformer une transmission SRAM mono-plateau 10 ou 11 vitesses en 12 vitesses, tout en conservant le même levier. Typiquement, pouvoir utiliser une cassette Eagle de VTT sur un gravel pour profiter de la grande amplitude de cette cassette. Et sans passer par la case AXS qui coûte très cher. Mais là n’est pas le débat. Ratio Technology a modifié la crémaillère intégrée dans le levier, de façon à lui intégrer cette 12ème vitesse. Cette petite crémaillère est imprimée en 3D en acier inoxydable. Top.
https://ratiotechnology.com/
Vers une démocratisation ?
Je ne pense pas avoir fait une liste exhaustive mais ça donne tout de même un bon aperçu de ce qu’il est possible de faire et proposer avec la fabrication additive métal. Cette solution offre une liberté quasi-infinie et il faut modifier sa façon de penser la fabrication pour en tirer tout le bénéfice. Evidemment, le coût de la technologie la réserve à des applications relativement élitistes pour le moment (comme toute nouvelle technologie d’ailleurs) mais le dernier exemple de Ratio Technology montre que ça peut également apporter une valeur ajoutée dans le cas d’un développement très précis et de petite série.
Et vous, qu’aimeriez avoir sur votre vélo en impression 3D ?
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