Tous les passionnés de rallye (et les autres) ont en tête le bruit particulier que fait une Subaru Impreza. Savez-vous pourquoi elle a une telle sonorité ? C’est à cause de son moteur à plat, le fameux boxer ? Et bien pas vraiment et l’explication est dans la suite.
La Subaru Impreza
Je ne vais pas rentrer dans les détails de cette voiture mythique (on peut le dire), certains l’ont fait mieux que moi : si vous avez 5 minutes (ou un peu plus), le Garage des Blogs en a parlé récemment dans l’un de ses épisodes.
Le constructeur japonais a la particularité d’utiliser uniquement des moteurs boxer dans ses voitures, pour ses 4 ou 6 cylindres.
Qu’est-ce qu’un moteur boxer ?
Pour les moteurs 4 cylindres, l’énorme majorité des constructeurs utilisent une géométrie traditionnelle : 4 cylindres en ligne. Depuis 1966 et la production de son premier moteur 4 cylindres, Subaru fait un choix différent en adoptant pour un moteur boxer. Seul un moteur fait exception, le moteur EN qui équipe les kei-cars de la marque et qui est un 4 cylindres en ligne.
Un moteur boxer est un moteur à plat, et dont les cylindres opposés évoluent de la même façon : ils sont au Point Mort Bas en même temps, et au Point Mort Haut en même temps. Leurs bielles sont donc sur des manetons différents. On a l’impression que les pistons vont se taper, d’où le surnom de ce moteur.
Il ne faut pas confondre un moteur boxer avec un moteur en V ouvert à 180° : par exemple le moteur de la Ferrari 512 BB.
On comprend sur cette animation Wikipedia ci-dessous la différence entre ces deux moteurs :
Les principaux avantages mis en avant par Subaru dans l’utilisation d’un moteur boxer est l’abaissement du centre de gravité et la réduction des vibrations. Deux petites vidéos de Subaru à ce sujet :
Mais le débat n’est pas de savoir si un moteur boxer est mieux qu’un traditionnel 4 cylindres en ligne.
Mais plutôt : est-ce ce boxer qui fait qu’une Subaru Impreza a un bruit si particulier ?
Une histoire d’échappement
Un moteur boxer, deux culasses
Dans un moteur 4 cylindres en ligne suralimenté, on a une seule culasse et très souvent un collecteur échappement très simple qui, comme son nom l’indique, vient récupérer les gaz d’échappement pour les emmener dans la turbine du turbocompresseur.
Pour un moteur 4 cylindres boxer, c’est un peu plus compliqué car on a forcément 2 culasses. Et donc 2 collecteurs d’échappement. Il faut que ces 2 flux se rejoignent pour passer dans la turbine. Et c’est là le tournant de l’article.
Quelques mots d’acoustique
Un cycle moteur complet se déroule sur 2 tours de vilebrequin, soit 720°. Pour un moteur 4 cylindres, on a donc 4 combustions qui vont avoir lieu pendant ces 720°, c’est à dire une combustion tous les 180°.
Un moteur est une sorte d’instrument de musique, qui génère beaucoup de bruits, mais dont le principal est généré par ces combustions et plus précisément à l’onde de pression qui se propage dans la ligne d’échappement au moment de l’ouverture des soupapes, là aussi une fois tous les 180° pour un moteur 4 cylindres.
Dans le cas d’un 4 cylindres en ligne, les 4 cylindres sont récupérés dans le même tube juste à la sortie de la culasse, ou presque. Si on se place à la sortie de l’échappement, on aura donc ces pulsations qui arriveront de façon totalement régulière à notre oreille. La fréquence de ce son sera égale à deux fois le régime moteur.
Si par contre, dans le cas d’un moteur boxer, on a des longueurs différentes entre les collecteurs d’échappement d’un côté et de l’autre, on va décaler l’arrivée de ces ondes. Et si on se place à la sortie de l’échappement, on aura des pulsations qui arrivent de façon plutôt irrégulière.
Des collecteurs asymétriques
Le constructeur utilise en effet des tubulures d’échappement de longueurs différentes entre chaque côté du moteur.
Pour illustrer, j’ai indiqué dans le graphique ci-dessous les pulsations sur deux tours moteur (720°) dans le cas d’un moteur avec des longueurs égales et des longueurs inégales. Ça ne transforme évidemment pas totalement les pulsations car on reste sur un moteur 4 cylindres, mais on voit qu’on a deux pulsations collées, et au contraire deux pulsations bien éloignées.
La sonorité va être différente puisqu’au lieu d’avoir des pulsations régulières deux fois par tour, on va avoir des différences entre les pulsations, et on va donc avoir plus (+) d’événements qui ne vont arriver qu’une fois par tour vilebrequin.
Pour information sur un moteur Subaru, on a l’ordre d’allumage suivant : 1-3-2-4 avec les cylindres 2 et 4 qui sont du côté « éloigné.
C’est donc uniquement cette asymétrie au niveau des collecteurs d’échappement d’un côté et d’un autre du boxer qui génère la signature sonore si reconnaissable d’une Subaru Impreza.
Le boxer n’y est donc pas pour grand-chose : avec un échappement avec des longueurs égales, un boxer a une sonorité tout à fait comparable à un moteur à 4 cylindres en ligne. Je ne suis pas un expert de la marque mais le modèle avec le moteur EJ207 au Japon possède à priori un échappement ayant ces caractéristiques :
A l’inverse, un 4 cylindres en ligne sur lequel on installerait un collecteur avec des longueurs inégales aurait un bruit similaire à celui d’une Subaru Impreza.
Je n’ai pas fait l’essai sur une Subaru, mais d’autres l’ont fait pour moi.
- longueurs égales :
- longueurs inégales :
Et une dernière vidéo :
Le bilan, quels avantages ces deux solutions ?
Longueurs inégales
- la sonorité, reconnaissable parmi mille voitures. C’est je pense l’argument numéro 1 de Subaru dans ce choix, ce qui n’est pas vraiment un choix technique !
- la longueur très courte pour les cylindres 2 et 4 permet de récupérer un maximum d’énergie de l’échappement (moins de pertes). Dans certaines conditions, ça peut permettre d’améliorer la réponse du turbo.
- la masse. Moins de longueur de tubes : moins de masse.
- l’encombrement. Moins de longueur de tubes, moins d’espace pour les « stocker » sous le capot.
Longueurs égales
- le fait d’avoir des longueurs égales permet d’avoir la même contre-pression sur chaque cylindre, et le même comportement d’un point de vue de l’acoustique (les ondes qui vont et qui viennent dans l’échappement). Ces eux éléments vont permettre de mieux maîtriser la vidange des gaz brûlés de la chambre de combustion et d’améliorer le remplissage en air. Ça va aussi permettre de mieux maîtriser le phénomène de cliquetis. Bref, c’est mieux pour augmenter le couple et la puissance.
- ça permet également d’avoir une alimentation en gaz d’échappement de la turbine plus constante, et donc de maximiser la pression de suralimentation, ce qui est bien pour le couple et la puissance
Le bruit si particulier d’une Subaru Impreza provient donc de l’échappement et pas du moteur boxer. Nul doute que le choix du constructeur est un choix principalement d’image, et qu’il aurait opté pour un échappement avec des longueurs égales s’il avait cherché à maximiser la performance à tout prix !